Devant les interrogations récentes qui ont remis les Euro R sur le devant de la scène, il était grand temps de leur dédier un sujet aussi complet que possible.
En effet, si l'on effectue une petite recherche sur le net comme j'ai pu le faire avant de préparer ce topic, force est de constater qu'on trouve de tout, et surtout n'importe quoi. Le net étant ce qu'il est et les plus gros fora étant américains, on peut lire des énormités comme 'l'appellation Euro R a été créée par Honda parce que ces Accord ne méritaient pas le 'Type R', car moins affutées" ou "l'Accord Type R n'existe pas". Je passe sur cette dernière affirmation et reviens un instant sur la première, particulièrement savoureuse : à l'heure où des autos sont badgées "Type R" sans différentiel type Torsen, disponible avec une liste d'équipements à rallonge, sans parler du "R" diesel qu'on nous promet, lire sous la plume d'américains que ces voitures ne satisfont pas à l'èthos du "Type R", au mieux, ça me fait rire, au pire, ça me mettrait en colère. Encore, que des japonais écrivent cela, avec la lignée au R rouge de leur marché domestique, on pourrait prêter attention, mais là... Enfin, passons.
Euro R : pourquoi ?
C'est là qu'il nous faut parler de notre Accord Type R EUDM (la CH1) et faire un brin d'histoire. La gen. 6 est sortie en 1997, et pour cette génération, les Accord diffèrent sur les trois grands marchés (JDM, USDM et EUDM). L'Europe a donc sa propre version, 4 ou 5 portes, assemblée au Royaume-Uni, dans les usines de Swindon. C'est une berline assez sage, très équipée, emmenée au sommet par le 2 L VTEC de 150 ch. De quoi satisfaire un adulte responsable, en quelque sorte, mais pas forcément Kenzo Suzuki, vice-président et chef de projet pour l'Accord, chez Honda R&D Europe. A son initiative, son équipe planche sur une version sportive, avec une révision des trains roulants, du châssis, une recherche d'allègement et l'incorporation de solutions techniques typiques du sommet sportif de la marque, les "Type R" (je vous ai parlé du Torsen ?
). A cette époque, rappelons que Honda en Europe, et surtout au Royaume-Uni, s'était engagé avec un bonheur certain dans les championnats de voiture de tourisme (dont le BTCC) avec la gen. 5, et c'était également là l'occasion de capitaliser sur ces succès et de réutiliser des solutions éprouvées. Pas étonnant, donc, que
les journalistes évoquent souvent la parenté avec le super-tourisme, lorsqu'il est question d'ATR. Le projet une fois suffisamment abouti, il prend la direction du Japon, afin de recueillir l'aval de la maison-mère bien sûr, mais aussi de trouver un moteur pour animer la bête. L'enthousiasme de Kenzo Suzuki est contagieux, apparemment : la voiture obtient un feu vert pour sa production et un moteur est mis dans la corbeille de la nouvelle-née. Pas un moteur qu'on est allé piocher directement sur les étagères, non : ce sera le H22A de la Prelude Type S, après traitement Type R (polissage des chambres à la main, matériaux de pointe utilisés pour les revêtements...). Et pour son nom ? C'est une évidence : ce sera l'Accord Type R. Ainsi, au Salon de Paris 1998, ce fleuron de l'Accord est présenté, suivi de sa commercialisation dans la foulée. L'ATR est alors une auto exclusivement européenne, et au Japon, les fans de la marque font grise mine : comment se fait-il que l'Europe ait droit à un modèle qui n'a même pas un équivalent, "à domicile" ? Les fidèles hondistes font connaître leur mécontentement - et leur espoir - et Honda les entend, au bout d'un long moment : en 2000, le Japon aura donc son Accord sportive, la version européenne ayant déjà montré la marche à suivre. Toujours est-il qu'elle ne s'appellera pas "Type R" : le modèle existe déjà, mais afin de rendre hommage à son initiatrice et à ses géniteurs (voire aux succès de Honda en BTCC) et de bénéficier de l'aura qui entoure les produits européens au Japon (grossièrement, l'Europe est vue comme un marché "haut-de-gamme", avec des productions supérieures...
), le label "Euro R" est créé.
Les Accord Euro R
Seules les gen. 6 et 7 ont connu une version Euro R et toutes deux sont spécifiquement des véhicules conçus selon le cahier des charges JDM (et donc conduite à droite). Pour les détails évoqués ensuite, vous les retrouverez dans un tableau en fin de topic.
L'Accord Euro R type CL1 peut être vue comme la plus proche cousine de notre ATR : moteur de la même famille (sans n° final pour la CL1, référence H22A, donc), étagement de boîte à l'identique sauf pour la 5ème, plus courte (la vitesse est même peut-être volontairement limitée sur la japonaise), mêmes freins à l'avant, peu de choses les séparent. Huit chevaux, déjà, diront certains. Certes, comme toujours, l'avantage est à la version JDM, mais nous ne nous en tirons pas mal : l'écart est de 20 ch pour une CTR EP3 entre la version japonaise et l'européenne, voire 24 maintenant, entre la FD2 et la FN2 ! Rappelons que la cartographie des moteurs japonais est différente, puisqu'ils sont alimentés au RON101. L'écart de poids joue encore en faveur de la CL1, mais impossible de savoir si les 1330 kg sont ceux du modèle avec clim ou non. Pour le reste, côté châssis, les voies sont légèrement plus larges pour l'ATR.
Fin 2002 apparaît la seconde Accord Euro R, type CL7, extrapolée de la gen. 7. Supplante-t-elle la CL1 ? Pas sûr. Elle troque son 2,2 L pour le 2 L de la CTR, conserve la même puissance mais 800 T/min plus haut, perd en couple maximal mais on peut imaginer que l'i-VTEC est optimisé à bas régime... Mais la cylindrée moindre ne fait rien pour arranger le couple, ça paraît évident. De plus, par rapport à la CL1, le poids gagne 60 kg, voilà qui devrait faire regarder l'ancienne avec moins de rudesse ! Quant au caractère des moteurs, le VTEC à l'ancienne, avec le "kick" au changement de profil de came a ses partisans : l'i-VTEC est à cet égard plus aseptisé, tout juste fait-on la différence à l'oreille et à la vitesse de montée de l'aiguille du compte-tours. En revanche, la boîte 6 autorise peut-être des parcours autoroutiers plus tranquilles !
Mais il y a une troisième Euro R :
la Torneo. Contemporaine de l'Accord CL1, elle en reprenait toutes les données techniques et s'en distinguait seulement physiquement.
Le futur des Accord Euro R
Gen. 6, gen. 7, il semble que l'histoire des Accord Euro R soit toute tracée : la gen. 8 vient de sortir, alors on attend la nouvelle Euro R, non ? Eh bien non ! Je m'avance peut-être un peu, mais je ne vois pas une gen. 8 Euro R débouler dans les showrooms.
Ce n'est pas une affaire de boule de cristal, comme certains pourraient le croire : non, c'est qu'en fait, le créneau de la berline 4 places à tempérament bien trempé est déjà occupé, chez Honda. La Civic Type R japonaise actuelle, la FD2 remplit en effet ce rôle, et avec un brio peu commun, si bien qu'une gen. 8 Euro R perdrait et de sa superbe (à n'en pas douter) et de son intérêt. D'ailleurs, cette CTR FD2 méritera bien d'avoir son topic à elle toute seule, prochainement.
Pour le reste, je laisse le soin à d'autres de compléter par de jolies photos d'AER CL1 et CL7 (des vraies, pas des TSX rebadgées !
), faute de temps... Mais je m'y collerai aussi, s'il le faut.